Collectif Anti-Précarité Dordogne

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Précaire : pour quoi faire ?


  C'est entendu, le précaire n'a qu'un but dans la vie, sortir de la précarité pour accéder ou retrouver une normalité sociale et économique. Quoi de plus naturel ? La société lui propose en retour de participer à la précarisation du monde du travail en acceptant des sous-contrats sous-payés. Quoi de plus cynique ? Chômeurs et travailleurs étant les deux faces de la même précarité devraient se soutenir mutuellement dans leur combat. Quoi de plus logique ? Mais cela ne se passe pas comme ça.


   La dénonciation de la misère du monde a toujours eu un effet repoussoir. Cela va de « çà a l'air vachement contagieux votre truc, ne vous approchez pas trop », à « il y a quand même plus malheureux que vous ». Le précaire en tant que victime fait problème à ceux qui ont déjà suffisamment de problèmes dans la vie. Le discours sur la misère contient malgré lui un ferment de division, tant sont nombreux les barreaux de l'échelle des inégalités.


   Un collectif de précaires ne peut pas ignorer cette problématique quand il s'adresse à moins précaire que lui. Quelques soient les difficultés de ceux qui le constituent, ce n'est pas en victime mais en témoin qu'il peut parler à la société. De quoi témoigne t-il ?


   1) Que la question économique est une question de liberté. La règle étant que moins un individu reçoit d'argent, plus il a de comptes à rendre. Le but de l'Etat n'est pas de faire des économies (la bureaucratie qui radie les chômeurs coûte sûrement plus cher que l'argent économisé par ces radiations), mais bien de contrôler une population « libérée » de la contrainte du travail. Les contraintes que connaissent les salariés sous prétexte de production (compte à rendre sur son emploi du temps), les chômeurs les connaissent «  à vide », sans autres justifications qu'elles-mêmes.


   2) Que la question de la production est une question de liberté. Le problème que posent les précaires aux institutions n'est pas d'être improductif, mais d'être productif autrement. Il s'agit du continent noir du travail socialement nécessaire mais non reconnu. La société sans les « sans » (sans travail, mais aussi sans papier), s'effondrerait aussitôt. Alors que nombre d'activités financièrement valorisées ne manqueraient pas du tout.


   3) Que la question de la consommation est une question de liberté. Le précaire n'est pas seulement confronté à l'impossibilité de consommer mais aussi à son obligation. Par exemple l'absence d'automobile est un motif de refus d'embauche, et même de radiation du pôle emploi. L'absence d'internet, de téléphone portable sont également pénalisés.


   Il ne s'agit pas d'idéaliser la précarité comme mode de vie alternatif (erreur symétrique à sa victimisation), mais de comprendre qu'elle est un savoir sur la société, et un savoir dont cette société a besoin. Bref c'est un vrai travail pour un collectif de précaires.

Par Philippe Vachia



19/04/2010
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