Femmes et précarité
Les inégalités des femmes au travail : facteurs de précarité
Les inégalités entre les femmes et les hommes sur le marché du travail constituent un facteur de précarité pour les femmes. La précarité de l'emploi n'est certes pas spécifique aux femmes. Certains emplois masculins sont également précaires. Mais du fait d'une insertion particulière des femmes sur le marché du travail et du fait qu'elles ont à articuler tâches professionnelles et familiales, elles sont les plus concernées par la précarité.
Toutes les femmes ne sont pas en situation de précarité d'emploi. Certaines d'entre elles sont bien insérées dans le marché du travail, ont des emplois stables qu'elles peuvent choisir et faire évoluer, même si, toujours, elles sont discriminées en termes de salaires, de progression de carrières, etc.
C'est pourquoi il convient de préciser l'analyse des différents aspects des inégalités, dans l'emploi, le chômage et l'inactivité, mettant ainsi en évidence les conditions qui font que le risque de précarité est plus
grand pour les femmes. La description des modalités particulières d'insertion des femmes sur le marché du travail a déjà fait l'objet de nombreux travaux. On en rappellera ici les grandes lignes, afin de définir comment les politiques publiques sont une composante des politiques à promouvoir pour surmonter les inégalités et le risque de précarité que celles-ci génèrent.
Inégalités persistantes,
nouvelles inégalités
nouvelles inégalités
Pourtant, les inégalités demeurent : elles ont pris d'autres formes. L'insertion des femmes sur le marché du travail s'opère souvent par des emplois précaires et à temps partiel contraint. Pour les femmes qui ontune insertion stable sur le marché du travail, les carrières sont presque toujours inférieures à celles des hommes. Au total, du fait de qualifications moins porteuses, d'emplois précaires ou à temps partiel, de parcours professionnels plus lents, les inégalités de salaires sont persistantes. Enfin, le chômage touche encore particulièrement les femmes, même si les écarts ont eu tendance à se réduire.
Les inégalités nées de l'insertion sur le marché du travail proprement dit se sont accompagnées d'inégalités nouvelles sur les conditions de vie. Pour les femmes qui travaillent, la double journée de travail dégrade le mode de vie. En effet, le partage des tâches familiales n'a fait que des progrès ténus. Ce qui a été gagné en indépendance a souvent été perdu en qualité de vie, en particulier dans les catégories les plus défavorisées. On verra comment le temps partiel «choisi » ou l'interruption d'activité lors de la naissance des enfants sont des réponses individuelles à cette situation.
La comparaison européenne permet de préciser la formation des inégalités, au-delà des particularismes nationaux. Elle permet de dégager les causes générales ; mais la réintégration de ces spécificités nationales permet de comprendre que les inégalités ne sont pas réductibles à la seule sphère économique.
Les taux d'activité et d'emploi
Une progression régulière des taux
d'activité et d'emploi en France...
Les taux d'activité des femmes sont croissants avec les générations (sauf aux âges extrêmes) et atteignent maintenant environ 80 % à tous les âges entre 25 et 50 ans (Bonnet, Buffeteau et Godefroy, 2004). Les interruptions d'activité aux âges médians deviennent plus rares et plus courtes dans les générations actuelles comparées aux générations antérieures. Une grande différence de comportement s'observe en particulier entre les générations nées en 1940 ou avant, dont les taux d'activité connaissent une baisse sensible aux âges de la maternité, et celles nées en 1950 ou après, pour lesquelles la baisse est beaucoup moins marquée. Mais même pour les plus jeunes générations, les taux d'activité des femmes et des hommes ne se sont pas rejoints.Une progression régulière des taux
d'activité et d'emploi en France...
En France, le taux d'activité des femmes était de 45,8 % en 1962. Il est de 63,7 % en 2003. Les taux d'activité des femmes et des hommes se sont ainsi rapprochés, car dans le même temps, l'activité des hommes s'est réduite. L'écart, qui était de 43 points en 1965, est de 11,8 points actuellement. Dans la tranche d'âge la plus active, celle des 25 à 54 ans, le taux d'activité des femmes, qui était de 45,1 % en 1962,
atteint désormais 79,8 %. La progression est donc encore plus forte que la précédente, puisqu'elle atteint 34,7 points. L'écart avec les hommes est passé de 51,1 points à 14,1 points 2. Il s'agit donc d'une insertion massive des femmes sur le marché du travail.
atteint désormais 79,8 %. La progression est donc encore plus forte que la précédente, puisqu'elle atteint 34,7 points. L'écart avec les hommes est passé de 51,1 points à 14,1 points 2. Il s'agit donc d'une insertion massive des femmes sur le marché du travail.
Les tendances d'évolution des taux d'emploi sont similaires à celles des taux d'activité, mais la réduction des écarts entre les femmes et les hommes est moindre. Cela traduit le fait que l'arrivée des femmes sur le marché du travail s'est accompagnée d'une forte hausse du chômage. En quarante ans, le taux d'activité des femmes de 25 à 54 ans a progressé de près de 35 points, mais leur taux d'emploi de 24 points seulement. Ainsi, bien que le taux d'emploi des hommes ait davantage fléchi que leur taux d'activité dans cette même tranche d'âge, l'écart entre les femmes et les hommes reste important.
On peut en particulier remarquer que le taux d'emploi des femmes de 15 à 64 ans a stagné durant les années 80. Celui des femmes de 25 à 54 ans a connu une croissance ralentie durant cette période. Le lien avec la conjoncture économique est évident, et vient contrecarrer la tendance structurelle de la volonté des femmes de s'insérer dans l'emploi. L'écart avec le taux d'emploi des hommes est encore, en 2003, de 12,2 points pour les 15-64 ans et de 15,1 points pour les 25-54 ans.
Est-ce une tendance irréversible ?
La tendance au comblement des écarts de taux d'activité entre les femmes et les hommes marque le pas depuis quelques années. Si la hausse du taux d'activité des femmes est permanente depuis les années 60, elle s'est faite à des rythmes différenciés. Jusqu'au milieu des années 70, la croissance économique permettait de fortes créations d'emplois, allant de pair avec la volonté d'indépendance des femmes et l'élévation moyenne de leur niveau d'éducation. Le rythme de hausse des taux d'activité féminins s'est ensuite ralenti, dans les années 80 et surtout dans les années 90. Les difficultés d'accès à l'emploi ne sont ainsi pas les mêmes selon les générations. Parallèlement, les taux d'activité masculins ont décliné jusqu'au milieu des années 90, du fait d'un fort repli aux âges extrêmes, si bien que l'écart de taux entre les femmes et les hommes s'est réduit d'environ 1 point par an durant cette période. Mais cet écart se réduit moins vite depuis le milieu des années 90. Le repli des taux d'activité masculins s'est interrompu et la croissance des taux d'activité féminins s'est ralentie. C'est tout particulièrement vrai pour la tranche d'âge la plus active des 25-49 ans, alors même que la remontée du taux d'activité des plus de 50 ans s'est accélérée, traduisant à la fois un effet de génération, l'implication sur le marché du travail des générations de l'après-guerre et la mise en cause progressive des préretraites. La quasi-stabilisation du taux d'activité des femmes de 25 à 49 ans depuis 1995 pose évidemment question. Elle s'explique pour l'essentiel par l'extension de l'APE (allocation parentale d'éducation) au deuxième enfant en 1994, alors qu'elle était auparavant réservée aux mères de trois enfants. Ainsi, le taux d'activité des mères de deux enfants a baissé.
Retraits de l'activité puis difficultés de réinsertion à la fin du congé parental dans une situation économique de chômage de masse ont alors conjugué leurs effets. La décision en 2004 d'une APE de courte durée dès le premier enfant risque d'accentuer cette tendance.
D'après "Mission sur l'inégalité des femmes au travail"