À propos d'une enquête
Une enquête de la DREES (Direction des études, de l'évaluation et des statistiques) portant sur les opinions des Français sur la pauvreté et l'exclusion au début de l'année 2004, est riche d'enseignements. En effet dans un pays comme la France ou la pauvreté ne peut-être imputée à une insuffisance de la production, mais bien plutôt à une organisation sociale, elle-même inséparable d'une vision du monde, le regard porté sur les pauvres peut-être aussi bien source de pauvreté que porteur de solution.
Parmi les causes de la pauvreté, le manque de travail arrive en quatrième position avec 59%, tandis que le refus de travailler vient en septième position avec 47%.
L'explication par le manque de travail est plus répandue chez les femmes, alors que le refus de travailler est plus souvent invoqué par les hommes. Avoir un diplôme élevé incite plutôt à privilégier l'explication par le refus de travailler, tandis que percevoir de faibles revenus joue en sens inverse. Les personnes vivant dans de petites agglomérations ou en zones rurales avancent beaucoup plus souvent l'explication par le refus de travailler, se montrant fort peu sensibles à l'explication par le manque de travail. Enfin, les personnes qui ne connaissent personne en situation de précarité professionnelle ont tendance à adhérer davantage à l'explication par le refus de travailler, à l'inverse de celles touchées personnellement par la précarité professionnelle.
Interrogés quant au niveau du RMI, la plupart continue à ignorer son montant exact, et a tendance à le surévaluer. Lorsque ce montant leur est indiqué, deux tiers des personnes interviewées indiquent être favorables à une hausse du RMI.
Les Français exerçant une profession indépendante, les agriculteurs, les artisans et commerçants sont les moins favorables à une hausse du RMI ; Il en est de même pour les ouvriers tandis que les professions libérales, cadres supérieurs et professions intermédiaires y seraient davantage enclins. Les salariés du secteur public apparaissent les plus favorables à une augmentation du RMI. De même, la proximité à la pauvreté se conjugue avec des opinions plus favorables à une hausse du RMI. Bien que deux tiers d'entre eux se déclarent sur le principe favorables à une augmentation du RMI, les Français ne sont pas forcément directement prêts à contribuer à son financement, puisque seulement 49 % accepteraient une hausse de leurs impôts ou de leurs cotisations pour financer une hausse du RMI.
Quelles que soient les opinions manifestées sur les conditions d'ouverture des droits, ou les causes de la pauvreté, l'exigence de contreparties au versement d'une allocation apparaît comme un sentiment qui tend à se renforcer.
Une majorité est partisane de contreparties prenant la forme de recherche d'emploi ou d'amélioration des qualifications par la participation à des formations. En revanche, l'obligation d'accepter les emplois proposés recueille moins de suffrages. Les personnes de 50 ans et plus sont plus favorables à des contreparties que les plus jeunes. Les plus jeunes s'opposent davantage à des contreparties qui prendraient la forme de travaux d'intérêt général, d'efforts d'insertion sociale. Les personnes vivant en zones rurales, dans des petites ou moyennes agglomérations sont également, plus favorables à l'existence de contreparties de toute nature, ainsi que les personnes les plus éloignées de la pauvreté. En revanche, les personnes ayant de faibles revenus se déclarent moins favorables à une demande de contreparties.
Cette « géographie » des opinions relatives aux contreparties à associer au RMI correspond en partie seulement à celle des facteurs qui influencent les opinions concernant le refus de travailler comme cause possible de la pauvreté.
Pour conclure, il se dessine un profil de l'humaniste plutôt jeune, pauvre, féminin, urbain et diplômé. Signe d'espoir, la connaissance abstraite (montant du RMI) ou concrète de la pauvreté, incline à une vision plus humaniste. La difficulté vient d'un noyau dur de travailleurs peu privilégiés (agriculteurs, artisans, ouvriers) qui se désolidarisent de la pauvreté. Le discours compassionnel trouve là sa limite, car s'il parle à ceux qui ont l'expérience de la pauvreté et ne dérange pas ceux qui se savent à l'abri, il peut agresser ceux qui mettent leur énergie et leur fierté à y échapper. Une vision plus positive des pauvres, pas seulement victimes d'un système injuste (qui veut s'identifier à une victime ?) mais résistants à ce système, peut-il créer de nouvelles solidarité ?
C'est à mon avis ce à quoi doivent s'atteler les collectifs de précaires s'ils veulent être vus, non comme des repoussoirs, mais comme des alliés potentiels par d'autres catégories de la population.
Par Philippe Vachia
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